Nous allons, si vous voulez bien me suivre, quitter pour un temps le monde de la science-fiction. Aujourd'hui, nous allons nous pencher sur un véritable OVNI. Il s'agit à la fois d'un roman, d'un conte initiatique, d'un poème, d'une critique, d'un manifeste, d'une encyclopédie, d'un dictionnaire, d'un réquisitoire, d'un essai, d'un palimpseste (tant sa lecture peut s'opérer à de multiples niveaux), et en même temps ni rien de tout cela et tout cela à la fois, et même plus. Issu de l'immense culture et de l'authentique génie littéraire du très regretté Umberto Eco, voici "Le pendule de Foucault" (et je ne remercierai jamais assez mon vieux pote Stéphane de me l'avoir fait découvrir). Plongée abyssale et vertigineuse dans l'ésotérisme le plus pur, les sociétés secrètes - Francs-Maçons, Templiers, Rosicruciens et Illuminati pour n'en citer que les plus connues, voyage au gré de la kabbale hébraïque, du syncrétisme brésilien ou de la mystique zoroastrienne, critique acerbe et parodie "hénaurme" des théories du complot les plus folles, cours d'histoire magistral rationalisant de manière époustouflante deux mille ans d'histoire humaine, de ponts jetés audacieusement entre les Alchimistes bavarois et la théorie de la relativité en analogies inattendues entre la Torah, le comte de St-Germain, la svastika et le mythe Cthulhu, c'est un ouvrage inclassable, d'une richesse étourdissante et d'une érudition folle. Mais c'est surtout et avant tout un livre difficile, voire astreignant, qui exige de son lecteur l'abandon de tout parti-pris et toute idée préconçue, et dont la beauté réside précisément dans l'inaccessibilité de son vocabulaire - je vous conseille vivement, d'ailleurs, d'en faire l'expérience sur une liseuse dont vous pourrez abuser de la fonction "dictionnaire". "Le pendule de Foucault" ne se critique pas, ne s'explique pas, ne s'analyse pas, mais se vit. Alors si vous ne l'avez pas encore ouvert, foncez ! Installez-vous confortablement, libérez-vous quelques jours (ou quelques semaines), et plongez dans l'une des histoires les plus extraordinaires qui soient jamais passées à portée de vos doigts...

Trouver un accompagnement musical pour un ouvrage de cette envergure n'était pas chose facile. Au gré de ma lecture (et de mes nombreuses relectures), j'ai fini par m'arrêter sur "Oxygène" et "Equinoxe" de Jean-Michel Jarre, "Prelude" d'Eumir Deodato, "Wonderful" de Paolo Conte, ainsi que plusieurs pièces pour piano de Satie (les Gymnopédies et les Gnossiennes) et de Debussy (Arabesque, Estampes et Suite bergamasque). Ce choix est évidemment éminemment personnel (et donc subjectif), multiple tant il me paraissait impossible de cantonner à un seul genre musical, et je ne m'attends pas à ce qu'il résonne chez tout le monde. Ma recommandation du jour n'en sera donc pas une, tout au plus une vague tentative d'ébaucher un décor à la (dé)mesure de l'univers dépeint dans l'oeuvre d'Eco.