Le confinement a ceci de positif qu'il vous oblige à vous rouvrir sur le monde qui vous entoure. Il est aussi l'occasion de nouer des contacts avec des personnes que vous ne connaissiez peut-être pas assez bien que pour oser les aborder - un classique pour les grands timides dont je fais partie. C'est enfin matière à socialisation en revenant aux fondamentaux des réseaux éponymes : le partage des connaissances, des goûts et des affinités. C'est dans ce cadre que je fus dernièrement, comme d'innombrables personnes avant moi, nominé pour un challenge comme facebook en est coutumier : il s'agissait de nommer dix albums ayant influencé l'évolution de mes goûts musicaux. Ce challenge étant terminé, j'ai trouvé amusant de le reprendre dans son intégralité, condensé en une seule publication - une manière, peut-être, de fixer une dernière fois un trip to memory lane des plus agréables.

Jour 1

Mettons les choses au point d'entrée de jeu : ça va être sacrément coton, je vous l'avoue, parce que mes goûts évoluent sans cesse au gré de ce que je découvre et ce que j'entends au quotidien. Mais on va tenter l'exercice pour le plaisir du geste ☺

D'abord, les règles : une pochette, une explication ou une anecdote, et on nomine quelqu'un d'autre. Comme le bousin a effectivement déjà tourné plus que de raison, je vais oublier la partie nomination, je suppose que personne ne m'en voudra (ou alors je ne nomine que des personnes qui m'en insulteront dans leur sommeil).

Bon... Où commencer ? Ceux qui me connaissent "musicalement" savent que j'attache énormément d'importance à l'univers sonore, aux arrangements, aux techniques de jeu, aux orchestrations, aux harmonies et aux "finitions" - chez moi, le "beau son" prime sur la mélodie et sur les paroles. Il devrait donc y avoir très peu de "chanteurs à texte" dans ma sélection (à une exception près).

On va débuter ce petit voyage avec l'album d'un groupe qui fit office d'électrochoc dans mon petit univers douillet à l'aube de mes 10 ans (et qui fut même, un peu plus tard, à l'origine de mes premières - pathétiques - tentatives de composition) : "Troupeau Bleu", des français de Cortex. Du jazz-funk mâtiné de soul et de bossa, des riffs de guitare qui claquent comme des coups de fouet, des suites d'accord en 11e et 13e avec des sus4 et des dim9 partout, bref la claque absolue, et une révélation : je serais musicien ! J'aurais dû réfléchir un peu plus car s'en sont d'abord suivi sept ans de cours de piano classique auprès d'un ancien chef d'orchestre italien qui maniait aussi bien la règle sur le bout des doigts que la baguette dans le bas du dos (saluti - ovunque voi siate - maestro Alario...).

Jour 2

Aujourd'hui, une autre claque mais aussi un premier regret, car j'aurai découvert ce groupe hors du commun... Après sa dissolution définitive, ce qui me prive à tout jamais (sauf twist imprévu du destin) d'une expérience live IRL. Et il est d'autant plus incompréhensible que je ne sois pas tombé dessus plus tôt dans la mesure où mes playlist sont remplies depuis longtemps d'autres monuments du genre comme King Crimson, Genesis, Yes ou Iron Maiden.

Musicalement donc, la claque. La grosse. Découvert sur le tard à l'occasion d'explorations réalisées à partir des feeds spotify de quelques amis, la prise de contact avec Gavin Harrison fut une sorte d'épiphanie qui m'a donné l'occasion de me plonger dans toute la complexité de son jeu et de comprendre des détails techniques qui m'échappaient depuis trop longtemps (je précise que je ne suis pas batteur...). Quand à Steven Wilson, inutile de présenter le bonhomme tant il a une stature unique dans le monde du rock progressif.

L'album grâce auquel je les ai connus, "In Absentia", est représentatif de la période où le groupe glisse progressivement vers une sonorité plus "métal", ce qui se confirmera dans "Deadwing", leur album suivant, alors qu'à l'origine (par exemple sur "The sky moves sideways"), ils avait des compositions nettement plus planantes que n'aurait pas reniée un David Gilmour (et Gilmour invitera d'ailleurs Wilson en 2015 sur sa compilation "Gilmour & Friends").

Jour 3

Aujourd'hui, on change radicalement de registre. Exit (pour un temps) la musique acoustique, place à l'électro-lounge de Vargo. Derrière ce groupe allemand, on retrouve le producteur-compositeur-DJ Ansgar Üffink et la chanteuse Stephanie Hundertmark. Actifs sur la scène électro-pop allemande depuis le début du siècle (même si Üffink s'est fait une solide réputation dans le milieu depuis les années 80), ils ont su créer un univers musical cohérent et riche fait de nappes éthérées, de basses lancinantes et de rythmiques hypnotiques. Fait amusant, Üffink a début sa carrière sur... Commodore 64 (qui, pour ceux qui s'en rappellent, était une véritable pépite capable de prouesses sonores assez inédites pour l'époque).

"Beauty" est leur premier album, sorti en 2004, et découvert tout à fait par hasard dans la programmation proposée sur le vol qui nous emmenait pour nos première vraies vacances en famille en République Dominicaine. Hundertmark a quitté le groupe en 2014, ce qui n'a pas empêché Üffink de continuer l'aventure en solo en revenant à ses premières amours sur les DJ-sets. Il est à noter également que Vargo a été régulièrement invité sur les compilations "Café Del Mar" et "Buddha Bar", très prisées par les amateurs de downbeat/chillout/lo-fi.

Petite anecdote plus personnelle : depuis la découverte de "Beauty", j'ai adopté les deux premières mesures d'intro de "The Flow" comme sonnerie de téléphone ; c'est la seule et unique concession que j'ai faite à une règle à laquelle je ne déroge (quasi) jamais : ne jamais m'arrêter sur une musique susceptible de terminer comme sonnerie de GSM (on a ses propres contradictions, que voulez-vous...)

Jour 4

Nous sommes à Kinshasa, un après-midi chaud et humide de 1983. Mes références musicales, à l'époque, ne sont pas encore très développées. J'ai déjà entendu parler de Pink Floyd, j'ai réussi à obtenir de mes parents qu'ils m'achètent l'album de Cortex et "Oxygène" de Jean-Michel Jarre, j'ai déjà écouté les Grateful Dead et Yes sur la stéréo National-Panasonic de ma mère (disques prêtés par des amis, ma mère se cantonnait à Julio Iglesias, Joe Dassin et Dalida, et mon père aux informations internationales sur son énorme poste de radio Grundig).

J'ai treize ans, je reviens d'une partie de tennis au club Boboto. Alors que j'approche de la maison, je me fais aborder par un type qui me demande si "je veux acheter de la bonne musique". Je lui demande ce qu'il a, et il me glisse une cassette (pirate, bien sûr) en m'expliquant "c'est un jeune garçon américain qui vient de sortir un disque aux Etas-Unis, je crois que ça va bien marcher là-bas". Sur la cassette, griffoné de travers : "Thriller Michael Jackson".

La cassette a joué en boucle (fort) pendant plus de deux semaines. Mes parents en sont devenus fous. Mon père m'a menacé des pires représailles si "Thriller" ou "Billie Jean" retentissaient encore entre les murs de la maison. J'ai tenu bon, me suis fait confisquer mon poste radiocassette Sanyo, interdire d'accès la chaîne hifi maternelle, et j'ai fini par m'acheter un walk-man complètement pourri dans les boutiques de brol électronique tenues par les pakistanais dans le centre-ville - walkman dans lequel la cassette pirate finit par mourir quelques jours après.

Après le funk, après le rock, je venais de découvrir la soul. Ce fut le début d'une initiation qui me fit rencontrer Aretha Franklin, Prince, James Brown, Marvin Gaye, les standards des Motown, et d'innombrables d'artistes majeurs qui orienteront mon goût pour les instrumentations complexes.

Jour 5

Aujourd'hui, on change de registre (oui, encore). Le coup de cœur du jour, c'est Diana Krall. Raaaaaaaaah... (ça y est, je bave sur mon clavier - ça me fait le même effet à chaque fois, c'est incompréhensible, je devrais consulter). J'ai fait la connaissance de cette grande dame du jazz en 99 avec l'album "When I look in your eyes". Il paraît difficile de croire qu'on a pu concentrer en une seule personne autant de charme, de beauté et de talent (si si, je suis absolument impartial, mais qu'est-ce qu'elle est belle en plus), et pourtant...

Diana Krall, c'est avant tout une voix, chaude, sensuelle, qui vous donne des fourmillements dans des endroits de votre anatomie dont vous ne soupçonniez même pas l'existence. C'est aussi un phrasé traînant, envoûtant, limite hypnotique, nonchalant, de ceux qui donnent l'impression de ne nécessiter aucun effort tant il est naturel et inné mais qu'on devine néanmoins soutenu par un travail titanesque. C'est une technique de jeu redoutable et pourtant (en apparence) d'une simplicité extrême, un répertoire éclectique qui va du jazz "classique" le plus pur ("Frim Fram Sauce", "Fly me to the moon", "East of the sun") au blues crépusculaire ("Temptation", "Route 66") et aux standards incontournables ("Walk on by", "I've got you under my skin") et à quelques réinventions pop ("Just the way you are", "Sorry seems to be the hardest world").

Il y a chez Diana Krall une texture particulière, une coloration qui lui fait rejoindre Norah Jones (une autre artiste que j'apprécie énormément), et elle a su faire de sa voix un instrument d'une précision et d'une expressivité redoutables dont deux mesures, voire juste quelques notes, suffisent pour peindre tout un univers multisensoriel au sein duquel on aime à se perdre. Bref, l'escapade idéale pour vous évader de ce quotidien anxiogène.

Jour 6

Du jazz, il y en a eu des tonnes dans ma vie - probablement trop que pour me souvenir dans le détail de tout ce que j'ai pu écouter - et il y en aura encore beaucoup. Ce qui fait la richesse de ce courant, c'est qu'il vous garantit des découvertes sans nombre et sans fin. Dont l'artiste du jour, Tal Wilkenfeld, bassiste australienne de génie débusquée il y a trois ans, complètement par hasard, au détour d'une vidéo YouTube.

Tal Wilkenfeld est jeune. Et on devrait l'en remercier tant sa jeunesse confirme de manière éclatante que le talent n'est pas une affaire d'années, mais bien de don et de travail. Ce talent lui a valu très tôt d'accompagner et de jouer avec les plus grands (Jeff Beck, Herbie Hancock, Aerosmith, Who), mais aussi de démontrer son aisance en composition et orchestration tant en jazz-fusion ("Truth to be told", sur "Transformation" reste mon morceau préféré d'elle, et tout l'album est une pure merveille de technique) que sur des tonalités plus rock, voire métal ("Killing Me" sur "Love Remains" par exemple, dont les rythmes complexes ne détonneraient pas sur un album de Rush). Ce second album permet aussi de découvrir que la (jolie) demoiselle se paie en prime le luxe d'avoir un putain de beau brin de voix (ce monde est décidément trop injuste). Vous aurez donc compris qu'il s'agit là d'une pépite à découvrir d'urgence.

Jour 7

Nous restons toujours dans le jazz, mais nous allons glisser vers un mouvement plus contemporain : le smooth jazz. Portée à l'origine par l'ouverture du jazz à d'autres influences comme le pop, le rock et le funk, c'est une musique typiquement instrumentale, avec des architectures rythmiques complexes et des orchestrations qui le sont tout autant (et j'adore ça).

Nous sommes en 2003. Je viens de céder une fois de plus aux sirènes du marketing et me suis offert mon premier iPod. En ouvrant iTunes pour la configuration, je tombe sur promo figurant une pochette colorée aux tons psychédéliques qui exhibe un pianiste devant un bidule qui tient plus du cockpit de navette spatiale que du piano. Je suis intrigué. Je clique. Je viens de découvrir Bob James et l'album "Joy Ride".

Bob James a joué avec tout ce que le milieu compte de pointures, comme Quincy Jones, Sarah Vaughan, James Taylor, David Sanborn, Luther Vandross ou Paul Desmond. Il a débuté sur le label CTI comme producteur, arrangeur et musicien de studio, avant de fonder son propre label et son propre groupe, Fourplay, avec notamment Lee Ritenour, Chuck Loeb et Nathan East. Chose que j'ignorais et que j'ai découvert récemment, plusieurs de ses albums ont été samplés pour constituer la base de ce qui sera plus tard considéré comme le son de référence du courant hip-hop. Son répertoire est pléthorique, tout comme sa discographie, et il y a matière à passer pas mal de temps (et donc à occuper son dé-re-confinement) en compagnie du bonhomme.

La découverte de Bob James a également été l'occasion d'explorer tout un pan de ce style de musique que je ne connaissais que de loin. Au gré des années, mes pérégrinations musicales m'ont fait croiser Chris Standring, Candy Dufler (aperçue trop brièvement aux côté de Dave Stewart à l'époque de "Lily was here"), Jeff Lorber, Al Jarreau (que je connaissais déjà dans d'autres registres plus pop), Lowell Hopper ou encore George Howard.

Bien sûr, pour les puristes (les talibans qui affirment que le jazz est arrivé à son apogée avec des artistes plus expérimentaux qu'écoutables comme Cecil Taylor ou Anthony Braxton), le smooth jazz est une musique bâtarde, appauvrie, tout juste bonne à figurer sur des compilations diffusées dans les grandes surfaces. J'aurais tendance à leur dire "mayrde" et à les laisser seuls sur leur pinacle et à poursuivre tranquillement mes incursions dans un genre dont la richesse et la diversité continuent à s'étoffer de jour en jour.

Jour 8

Changement de direction. Aujourd'hui, nous partons dans le sud américain, du côté des bayoux de Louisianne, dans un petit coin nommé Bon Temps où se côtoient des fées, des alligators, des loups-garoux et un chanteur de country nommé Jace Everett.

Fin 2008, à l'époque où on s'alimentait encore sur les newsgroups et où on téléchargeait en SD, une série assez WTF pointe le bout de son scénario sur les interwebs : True Blood. Mélange improbable avec des vampires donc (ma femme ne parlera plus d'Alexander Skarsgard que comme "Eric le beau vampire" avec des étincelles dans les yeux), du sexe (beaucoup), du gore (encore plus), mais surtout une BO de malade avec en générique un morceau devenu culte, "Bad Things".

Rien ne prédisposait pourtant Jace Everett à truster le haut des charts, que du contraire. Il était jusque-là plutôt habitué aux fins de classement. Sorti quelque part entre 2005 et 2006, l'album éponyme sur lequel figure le morceau est d'ailleurs passé totalement inaperçu jusqu'au jour où il a été choisi pour habiller la série de HBO. Et pourtant, le bonhomme a un sacré talent et a commis plusieurs autres albums qui naviguent nonchalamment entre rock sudiste et country assumée.

Comme souvent (chez moi, je ne sais ce qu'il en est pour vous), la découverte d'un artiste dans un courant musical qui ne m'est pas familier est l'occasion d'explorer des territoires inconnus. Je me suis donc aventuré dans un domaine que je croyais réservé - à tort - aux rednecks, aux comboys à Stetson et aux amateurs de square-dance, pour tomber en fin de compte sur d'innombrables pépites : Montgomery Gentry, Jon Wolfe, Billy Currington, Brooks & Dunn, Lonestar, pour finalement arriver par la bande sur l'immense Joe Bonamassa et sur l'inclassable (mais néanmoins époustouflant) Poppa Chubby.

Alors c'est vrai, la thématique générale du genre tourne le plus souvent autour de préoccupations assez pragmatiques, voire bas-de-plafond (pour rester correct) : les filles, l'alcool, les bagnoles, les grands espaces sauvages, la patrie, le drapeau, l'armée. Mais bon, vous savez que je ne suis pas très regardant sur les textes pour peu que la musique soit bonne...

Jour 9

Si on vous dit "bassiste de rock", vous répondez Flea, John Deacon ou Lemmy Kilmister. "Bassiste de pop" ? Facile : Sting, Paul McCartney ou Mark King. "Bassiste de jazz" ? Ca se complique un peu, mais il y a Marcus Miller, Ron Carter, Jaco Pastorius ou John Patitucci.

Et puis, derrière les noms incontournables, se cachent parfois des perles comme Brian Bromberg. Là où ses illustres coreligionnaires ont tendance à se cantonner dans leur style de prédilection, on le retrouve autant à l'aise en jazz expérimental, en funk, en rock, en fusion ou encore en world music. Tombé dans la (contre)basse dès l'âge de 13 ans, il a développé au fil du temps une technique virtuose de tapping qui lui vaudra, entre autres, de jouer à l'orée de ses 19 ans avec Stan Getz pour une tournée mondiale. Il a accompagné George Duke, Lalo Schiffren, Dave Grusin, notre Toots national, mais aussi Christina Aguilera, Whitney Houston et même Andra Bocelli, ce qui constitue un bel exemple de flexibilité pour ce musicien assez extraordinaire.

Il y a un "son Bromberg" que je n'ai jamais retrouvé ailleurs, une signature faite de rolls, de slaps et de taps aussi distincte que le célébrissime double coup de crash de Gavin Harrisson à la batterie. Lâchez-lui la bride, et vous avez l'impression d'avoir plusieurs bassistes sur le même morceau alors qu'il est seul à la manœuvre. Cette signature, associée à une maestria vertigineuse, me font placer (en toute impartialité) l'homme dans le panthéon des bassistes.

Jour 10

Si vous avez suivi ce fil depuis le début, vous aurez compris que je suis beaucoup moins sensible aux textes et aux mots qu'aux mélodies et aux arrangements. Mais ceci dit, comme à toute règle il y a bien sûr des exceptions, par exemple avec Brel, Sardou, Cabrel ("Azincourt", magistral) ou Thiéfaine ("Les fastes de la solitude", époustouflant). Et puis, il y a Lynda Lemay.

La québécoise aux textes ciselés comme des pièces d'orfèvrerie n'est entrée que très récemment dans ma sphère musicale (par le biais de l'album "Feutres et pastels"), et elle a fait irruption dans ma vie avec autant de douceur et de délicatesse que l'amie qui me l'a fait découvrir. Alors non, Lynda Lemay n'est pas une chanteuse à voix ; ses mélodies n'ont rien de très original, ses arrangements ne sont pas très sophistiqués, ses orchestrations sont plutôt simples, et pourtant... Pourtant, j'ai été conquis dès la première écoute. Chacune de ses chansons dégage une ambiance indéfinissable, à la fois mélancolique et émouvante, des parfums de forêt rouge et or aux confins des Laurentides, la musique des bûches dans la cheminée quand l'hiver rugit dehors, quelque chose de chaud et de doux comme une grosse couverture sur les épaules, qui vous atteint au fond de l'âme et dont chacun des mots touche au coeur, impitoyablement, parfois jusqu'aux larmes.

Car oui, on peut pleurer en écoutant les chansons de Lynda Lemay. On pleure de rire parce qu'elles sont drôles comme "Paroles de L'incompétence", et on a le regard qui se trouble parce qu'elles sont touchantes comme "Debout sur les pissenlits", voire bouleversantes comme "Pas ta première femme" ou "Reste avec elle". Elles vous renverront des échos de vies en filigrane de la vôtre. Et quand se désembuent les yeux qui piquent, quand a résonné le dernier accord, il restera toujours le sourire lumineux de l'artiste pour vous accompagner et vous dire que ça va aller, que rien n'est finalement trop grave que pour qu'on en fasse pas une chanson. Et la belle canadienne en a des centaines à vous faire découvrir...

En guise d'épilogue...

Il est temps de clore notre périple au pays des notes. Il y a dix jours, il me paraissait impossible de résumer toutes mes influences à dix albums ou dix artistes, et cet exercice aura confirmé le fait, s'il en était besoin. Mais il m'aura surtout permis de revisiter des années de découvertes, de souvenirs et d'images précieuses, et de me perdre avec délices dans leur dédale. Bien sûr, j'ai omis les incontournables, les Pink Floyd, Queen, Genesis, AC/DC, Metallica, Jamiroquai, Dire Straits, Duke Ellington, Ray Charles, Satie, Debussy, Beethoven, et beaucoup d'autres, tant leur influence aura été évidente, nécessaire, implicite. Bien sûr, j'aurais aimé pouvoir mettre à l'honneur les centaines de compositeurs, musiciens, interprètes qui m'ont accompagnés pendant toutes ces années, vous expliquer en quoi leur travail m'a touché, fait frissonner et vibrer, toute l'importance que chacun d'entre eux a eue en des périodes parfois délicates, vous parler des gens qui ont inspiré ces découvertes, de leurs rencontres, de leurs histoires, des amitiés nées autour d'un morceau, et vous dire finalement tout ce que la musique a eu et aura toujours pour moi de suprêmement essentiel en ce qu'elle vous oblige à rester curieux, ouvert et passionné.

Mais pour vous raconter tout cela, il m'aurait fallu cent jours plutôt que dix. Alors si ça vous dit, une fois que nous aurons retrouvé nos marques et une vie "normale", pourquoi n'en discuterions-nous pas de vive voix autour d'un verre à une terrasse sous le soleil ?

(Photo d'illustration : Patrick Fore sur Unsplash)