Vous apprécierez l'exploit : avec trois mots, je dois avoir réussi à me mettre à dos tout ce que la Belgique compte comme Community Managers. Trois petits mots. Pas un de plus. Et pourtant, derrière cette boutade volontairement provocante, se cache une réalité que l'on se doit de considérer : les réseaux sociaux ne sont pas l'instrument le plus efficace quand il s'agit de vendre.
Il y a quelques semaines, j'ai eu l'occasion d'être invité à donner une présentation lors du Digital Marketing Forum. Je passais bon dernier, et j'ai donc eu tout le temps d'assister aux présentations données par les autres invités. J'ai été frappé de constater que, dans la quasi-totalité des cas, ces présentations tournaient autour de l'obligation impérative de figurer en bonne place sur facebook, twitter, instagram, et d'afficher le plus grand nombre de fans ou de followers. Il est vrai que nombre des intervenants étaient jeunes - assez jeunes, en tout cas, pour que l'on comprenne qu'ils ont été biberonnés à cette culture du réseau social tout-puissant.
Et pourtant...
Lorsque fut venu mon tour, je me suis avancé devant le public, et j'ai commencé ma présentation en leur disant (à peu de choses près, je ne me rappelle plus des termes exacts) : "Bon, c'est très bien tout ça, mais il est peut-être temps de redescendre sur terre. Facebook, twitter et tout le tralala, c'est super, c'est marrant, mais voyons les choses en face : ça ne fait pas vendre". Et comme prévu, j'ai choqué pas mal de monde. Pourtant, à l'issue de ma présentation, la majorité des personnes présentes étaient d'accord avec mon point de vue...
Au départ, il y a un consommateur lambda. Comme vous et moi, il recherche avant tout la manière d'obtenir le plus possible en payant le moins possible. Comme la politique des prix plancher n'est pas toujours, loin s'en faut, la plus efficace, les commerçants cherchent avant tout à se démarquer de leurs concurrents en tentant de rendre le client heureux. Parce qu'un client heureux, considéré, choyé, est un client qui reviendra, même s'il n'a pas forçément bénéficié du meilleur prix en échange de vos produits ou de vos services.
Donc, pour pouvoir chouchouter votre client et lui offrir LA qualité de service qui fait qu'il n'ira jamais voir ailleurs, il faut le connaître. Intimement. Comprendre ce qu'il désire avant qu'il n'en ait lui-même conscience. Appréhender ses besoins avant qu'il ne les ait formulés. Et pour tout cela, il faut des données. Beaucoup de données. Exactement le genre de données que l'on collecte avec un programme de fidélité pointu.
Le consommateur se fout de facebook
Bien sûr, on me rétorquera que facebook brasse des trillions de gigabits de données. Certes, mais ces données vous permettront-elles réellement d'arriver à ce niveau de finesse dans la connaissance de votre client ? Encore une fois, cette manière de présenter les réseaux sociaux comme le Saint-Graal ou la pierre philosophale du marketing biaise les règles du jeu. Nombre de petites entreprises vont ainsi s'engouffrer dans la brèche, dépenser des sommes parfois très conséquentes parce qu'on leur a assuré qu'il fallait ab-so-lu-ment avoir un compte twitter ou un feed Pinterest, et souvent pour des résultats très aléatoires. Et pourquoi ? Tout simplement parce qu'il faut bien comprendre que tous ces fans, tous ces abonnées, tous ces followers, ne sont en fin de compte que des profils, et non de vraies personnes - économiquement, s'entend. Tant que tout se joue au niveau du like, du pin ou du retweet, on reste dans le virtuel, quand le chiffre d'affaire, lui, est bien réel.
Regardons les choses en face : parmi les utilisateurs professionnels de facebook, l'immense majorité va l'utiliser pour alimenter une page, poster quelques news de temps en temps, lancer l'un ou l'autre concours, faire un peu de pub ciblée. Au bout de quelques mois, ils arriveront à une dizaine de milliers de fans - dont ils n'auront même pas les coordonnées exactes, soit dit en passant. Quand à twitter, même si son utilisation augmente au sein des geeks et des journalistes, il reste un medium très sous-employé par rapport à ce qui se fait dans d'autres pays.
Evidemment, il existe des Community Managers vraiment doués, capable de transférer une partie de leur fanbase vers des magasins physiques ou virtuels, qui maîtrisent parfaitement les leviers qui vont faire réagir leur public, et qui sauront obtenir d'eux exactement ce que le client demande. D'accord également que les réseaux sociaux sont de merveilleux outils lorsqu'il s'agit de créer et d'animer des communautés autour d'un produit, d'un concept, d'une idée. Mais au bout du compte, ce qui paie les factures de toutes les entreprises du monde, ce sont... Leurs clients. Et si un client n'est pas satisfait de vos prestations, il se fichera éperdumment que vous ayez trois cent mille fans sur votre page facebook, et il ira voir ailleurs si l'herbe n'est pas plus verte.