Une question d'éthique
Vous le savez peut-être : dans le cadre de mon activité professionnelle, je publie occasionnellement des chroniques relative à la vie d'une startup et de tous les aspects que cela concerne : technique, commercial, juridique, etc. Le texte ci-dessous est le dernier d'une longue série, et dorénavant je donnerai à ces chroniques (car c'est de cela qu'il s'agit) un écho sur ce blog. Donc, si vous ne connaissez pas encore, allez nous lire ; il a déjà largement de quoi vous occuper quelques heures (ou quelques soirées, si vous lisez lentement).
Depuis le temps que vous nous suivez dans ces chronique, vous avez certainement constaté que nous aimons démarrer nos sujets en lançant des gros mots - principalement dans le but de susciter une saine réflexion et un débat constructif. Ne dérogeons pas à la règle : le gros mot du jour est « éthique ».
Et... Tic ?
Si l'on se base sur une définition purement académique, l'éthique est « une science morale, qui se donne pour but d'indiquer comment les êtres humains doivent se comporter, agir et être, entre eux et envers ce qui les entoure ». En bref, elle a pour objet de déterminer ce qui est bien et ce qui ne l'est pas.
On entend souvent dire que l'éthique et les affaires ne font pas bon ménage. Cassons donc d'entrée de jeu une idée reçue : c'est rigoureusement faux. Il est tout à fait possible de respecter certaines règles élémentaires lorsqu'on gère une entreprise, comme nous allons le voir dans la suite de cette chronique. J'irais même jusqu'à dire que l'éthique est un terme fondamental dans l'équation qui définit une entreprise durable (sans connotation écologique aucune, s'entend).
Dans le monde des affaires, l'éthique va intervenir à divers niveaux : dans le respect des procédures internes pour garantir un code de bonne conduite au sein de l'entreprise, dans le respect du client et du consommateur par la distribution de produits, de services et de prestations de qualité et tarifés à un prix raisonnable, dans le respect des partenaires économiques et opérationnels au travers d'une relation transparente où sont privilégiées la confiance et l'honnêteté, et dans le respect du cadre légal, de l'écosystème et du marché par une prise de conscience des responsabilités intrinsèques, par une volonté de partage de l'enrichissement - qu'il soit monétaire ou pas, par la prise en compte de l'intérêt pour le bien commun et par l'observation des règles systémiques.
Il est probable que tous les acteurs d'un marché ne jouent pas avec la même application dans le grand jeu de l'entrepreneuriat. L'intérêt personnel - qu'il soit privé ou corporatif - prime souvent dans les transactions, et induit de fait des comportements assez disparates, qui se traduisent par une interprétation « à géométrie variable » des concepts éthiques susmentionnés.
Alors bien sûr, loin de nous l'idée ou l'intention de nous poser en chevaliers blancs ; nous sommes humains, et par définition et par essence faillibles. Comme tout un chacun, il nous est arrive de commettre l'un ou l'autre impair, par souci d'aller vite pour respecter une échéance trop proche, par distraction ou manque de concentration parce que la charge de travail amène à se disperser plus qu'on ne le voudrait, ou encore parce que nous n'avions pas, sur le moment, mesuré les conséquences d'une décision à prendre parmi une myriade d'autres. Et bien qu'il y ait là une indéniable forme d'égoïsme (il serait malhonnête de notre part de prétendre le contraire), nous n'avons jamais été animés par la moindre intention de nuire.
Tout consommateur est un pigeon qui s'ignore
Mais ce n'est pas le cas de tous, comme nous l'avons déjà dit. Contrats tournés de manière à avantager outrageusement le prestataire au détriment du consommateur, conditions générales plus floues qu'une théorie de physique quantique, enfermement du client dans des durées rédhibitoires, pénalités de rupture assimilables à du racket pur et simple, service clientèle incompétent et/ou désagréable, vendeurs « cowboys » n'hésitant pas à tuer un marché pour atteindre leurs objectifs, produits de qualité discutable et trop rapidement obsolètes, services indigents et peu fiables, modes d'emploi cryptiques et incompréhensibles, tarification nébuleuse à dessein... Nous pourrions compléter pendant longtemps cette liste pourtant déjà exhaustive afin d'illustrer un précepte bien connu des professionnels peu embarrassés de scrupules : « tout consommateur est un pigeon qui s'ignore ».
On remarque que, dans cette nébuleuse de mauvais comportements, une constante s'érige en principe : « on n'oblige personne, et si le client n'est pas content, il n'a qu'à aller ailleurs ». Entendu maintes fois, rabâché ad nauseam, c'est l'argument facile par excellence. Facile à dire quand on retient son client en otage avec un contrat de plusieurs années dont la résiliation anticipée le mettrait quasiment sur la paille ; facile aussi d'affirmer avec un aplomb vexé que les milliers de références clients bidon affichées sur un site web pour appâter le chaland ne constituent en rien une publicité mensongère. Dans le domaine de la mauvaise foi, on tombe ainsi de temps à autre sur de véritables orfèvres en matière de « distorsion du champ de la réalité » si chère au défunt Steve Jobs !
Là où le bât blesse, c'est lorsque ces entreprises peu regardantes sur les règles élémentaires de l'éthique font des dégâts ravageurs. Que ces dégâts soient infligés au secteur, au marché, aux concurrents ou pire, à eux-mêmes, ils seront toujours unanimes pour rejeter la faute sur d'autres, et prétendre que la responsabilité incombe à des facteurs extérieurs : la crise, l'économie, une autre entreprise, une banque, le gouvernement, la politique, la malchance, le destin... Le monde entier est coupable, mais pas eux. Jamais. Impossible. Et les voilà incapables d'admettre - voire de réaliser - qu'ils se sont avant tout aliénés l'élément essentiel de leur succès : le consommateur.
This is not rocket science
Car ce n'est ni un secret d'état, ni le produit d'études innombrables et complexes : ce qui constitue avant tout le moteur d'une entreprise qui gagne, c'est le respect qu'elle a pour sa clientèle. Si celle-ci est heureuse, satisfaite et en confiance, tout se passera pour le mieux, même - voire surtout - dans les moments difficiles. Si par contre elle s'estime flouée, grugée, exploitée ou arnaquée, alors le retour de bâton - ou de karma - est généralement rapide et brutal. Et il pardonne rarement, à moins d'une complète remise en question.
En presque quatre années d'activité, et avec pas loin d'un million d'utilisateurs finaux, nous n'avons eu à compter qu'une minuscule poignée de défections. Que ce soit chez nos clients ou dans les rangs des consommateurs, ils furent extraordinairement peu nombreux à nous quitter - et jamais pour des motifs liés à des agissements discutables que l'on aurait pu nous imputer. A l'exception de dissensions idéologiques (tout le monde ne peut pas adhérer à notre concept) ou d'impondérables fatalités économiques (des entreprises tombent hélas quotidiennement en faillite), notre perception de l'éthique et notre mise en pratique de ces règles élémentaires n'ont jamais été remises en question, même par nos détracteurs.
Depuis le premier jour, nous avons été persuadés que le respect, la transparence et le fait d'offrir à notre client davantage que ce pour quoi il nous paie devaient être les fondamentaux de notre ligne de conduite. Le temps nous a donné raison, ainsi que les nombreux témoignages positifs et enthousiastes de nos clients (directs et indirects). Et ce qui nous fait plaisir aujourd'hui, c'est que malgré quelques irréductibles brebis galeuses, nous sommes loin d'être un cas isolé !
Pour clôturer notre réflexion, nous vous invitons à vous faire une culture sur le projet VRM, initié par l'université d'Harvard, qui postule : �free customers are more valuable than captive ones�. Tous les détails se trouvent ici : https://cyber.law.harvard.edu/projectvrm/Main_Page. Bonne lecture, et à bientôt.